Evidence

J’habite la planète XZ Anémone
C’est bien loin de chez vous, je sais, mais peu importe,
Pour vous parler je ne me sers pas du téléphone,
Je me sers de la poste, c’est bien mieux de la sorte.

Avec quelques amis, un soir comme les autres,
On discutait de tout prenant l’apéritif,
C’est alors que le ciel prit cette couleur ocre,
Qu’on vit devant nos yeux passer un trait furtif.

Et vlan ! C’est au milieu de mon jardin qu’il tombe,
Cet objet bien étrange, ferraille calcinée,
Un peu surpris, c’est certes, on va voir cette bombe,
Sans trop savoir à qui elle était destinée.

En grattant le métal encore chaud des débris
Je vois un drôle de nom : Pionner X, qu’est-ce que c’est ?
Le dessin d’une femme superbe, il est inscrit
L’atmosphère en formules, l’histoire du tracé.

Près de la femme svelte, un Apollon la main
Tendue la paume ouverte en un signe de paix,
L’harmonie se dégage du sublime dessin,
Comme il doit être beau et bon ce monde en vrai !

Et puis ce n’est pas tout, il y avait une boite,
Avec de la musique sur des disques gravée,
Mélodies voluptueuses, oh quelle belle fête,
Tous ces beaux témoignages d’un bonheur supposé.

C’en était trop pour nous, avec mon pote RV,
Sur le champ on a pris notre engin galactique,
De trous noirs en trous d’air, on est vite arrivés,
En vue de la planète bleue si pragmatique.

Nos cœurs battaient de joie, à l’approche du sol,
On allait tout connaître enfin de ces merveilles,
Notre impatience au comble, au survol d’un atoll,
On jubilait tous deux d’une chance pareille.



On se pose illico, on se mêle à la foule,
Mais où sont donc ces êtres beaux et si lumineux ?
Nous sommes entourés de gens qui déambulent,
Obèses et disgracieux, aux regards ténébreux.

L’air que vous promettiez était fait d’oxygène,
Mais la gorge me brûle et mes poumons suffoquent,
Votre ciel était clair sur vos croquis, à peine
Que nous sommes ici l’horizon est opaque !

On se déplace un peu, on va suivre la foule,
Paraît qu’il y a un concert, vive donc la musique !
Mais à peine assis, voilà que je m’écroule,
Mes tympans se disjonctent et je pars en panique.

En touristes déçus, on a longé la mer,
La mer qu’on voit danser était un peu gluante,
On a voulu encore faire le tour de la terre,
Dans l’ensemble j’avoue qu’on l’a trouvée puante.

RV s’est extasié y avait des animaux !
Enfin un peu d’espoir quelque part par ici,
Mais ils étaient en cages, des zoos aux labos,
Gentiment torturés, méchamment asservis.

On se déplace encore, faut bien tout essayer,
Mais une pluie de bombes nous annonce une guerre,
C’était donc du pipo, votre type pacifié ?
Vous êtes des barbares, votre pub est mensongère !

On a repris l’engin inter constellations
Et on est repartis vite fait par chez nous,
C’est promis, c’est juré fini les tentations !
Mon monde n’est pas grand, mais les jours y sont doux.


Et je terminerai par ces mots cette lettre,
Respectez nos jardins, et gardez vos déchets,
Le ciel est grand c’est sûr, mais vaut-il mieux peut-être,
Ne pas trop l’encombrer de vos gadgets tarés.

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