Evidence

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L'esprit est roi ....

 

 

 

 

Je savais que la douleur serait la plus forte. 
La plus vive et la plus puissante. 
Monopolisant tout. 
Même la peur. 

Tout est souffrance. 

Je me sens qui m'extirpe du néant. 
Douloureusement. 
Terrorisé. 
Juste comme je commençais à comprendre. 
Beaucoup. 
Quand se résolvaient un à un les mystères. 

Me mouvoir aisément dans les brumes opaques. 
Juste quand elles devenaient plus limpides. 
Au stade avancé de la clarté. 
La seconde épreuve. 
Bientôt. 
Sans doute parce que je commençais à comprendre. 
Trop. 
J'ignorais la douleur. 
La voilà ! 
Entière. 

Comme la lumière est compliquée. 
Comme elle est mystérieuse. 
J'ai mal. 
Et tandis que s'amplifie ma douleur la lumière se désagrège. 
Tant de peine pour l'acquérir. 
Et elle fuit et elle s'évapore. 
Et son absence me terrorise. 
Je vais hurler. 
Certainement . 
Je vais hurler dès que cela me sera possible. 
Bientôt. 
Je crois. 
Hurler de terreur. 
Hurler de douleur. 
De rage aussi. 
Tout va trop vite ! 

S'il me restait seulement un peu de lumière... ! 
L'obscurité ! 

Tout est souffrance. 

L'obscurité surtout. 
La frayeur dont on m'avais mis en garde. 
Et le silence. 
Qui m'enveloppe et m'anéantit. 
Tout bascule et m'angoisse. 

L'univers m'abandonne et me projette hors de lui. 
Mais je n'aurais pas cru qu'on me supprimerait mes armes. 
Si tout allait moins vite ! 
Ma souffrance serait moins vive. 
Ma terreur serait surmontable. 

Le but de ce vertigineux voyage. 
Bientôt, peut-être. 
Quand le saurai-je ? 
Mes pensées se dispersent. 
Le trou noir. 
L'incohérence. 
Je voudrais comprendre. 
Oh ! oui, je voudrais. 

A l'aide ! 

Tout est froid à présent. 
Glacé. 
Retrouver la tiédeur du néant. 
Ne plus avoir mal. 
Retourner en arrière. 
Dans la capiteuse sérénité. 
Rompre cette infernale mutation. 
Transgresser ma folle terreur. 
Pouvoir hurler. 
Déchirer l'air avec rage ! 

Tout bascule avec force. 
Mon âme. 
Ma conscience se disperse en échos affaiblis. 
Tout bascule. 
Jusqu'à la perception aiguë de la souffrance. 
Qui me déchire. 
Jusqu'à l'intensité de cette force qui me comprime. 
Jusqu'à l'anéantissement de l'ultime étincelle de lucidité. 
A l'aide ! 




Le silence se prolongeait trop pour ne pas inquiéter Alain. 
Il alluma une autre cigarette, visiblement énervé. 
Soudain le cri retentit, puissant et exalté, et Alain s'illumina. 
La porte s'ouvrit presque aussitôt et une infirmière l'invita à entrer. 
Il vit d'abord Jeanne, qui lui souriait, radieuse. Puis la sage-femme exhiba le bébé : " C'est un splendide garçon, monsieur Clavel ! " 
Et tandis qu'on l'emmenait pour la toilette, le médecin s'approcha du couple : " Félicitations ! Vous aurez tout le loisir de le contempler, bientôt, mais, pour l'instant, il doit être épuisé... " 





AEP25026725 



21/06/2011
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