Evidence

Evidence

Andrew Cohen

 

 

ANDREW COHEN

 

 

 

1-      La vérité

 

-Où trouver le courage de lâcher ce à quoi je suis encore attaché mais que je pressens être une illusion ?

 

- Il faut s’intéresser à la vérité. Certaines de nos expériences ont plus de valeur que d’autres. Si on ne s’intéresse pas à la vérité, on ne sera pas assez conscient pour savoir lesquelles. Nous ne serons pas assez motivés pour développer notre discrimination. Mais si on veut savoir honnêtement ce qui est vrai, on va regarder de très près notre propre expérience. Nous ne nous contenterons pas seulement de l’observer, nous allons y participer de façon active. Les être humains n’ont pas l’habitude de cette sorte d’enquête qui demande effort et courage. Un des attributs d’une conscience éveillée est de voir la réalité telle qu’elle est, y compris – et c’est le plus difficile – se voir soi-même tel qu’on est réellement.

     Au fond, s’agit-il vraiment d’être courageux ? Du point de vue de l’ego, cela semble exiger du courage mais il s’agit avant tout de l’amour de la vérité. Comme beaucoup de personnes, vous n’êtes pas assez amoureux de la vérité. Vous croyez qu’il faut du courage. Mais si on est amoureux de la vérité, on n’a pas besoin de courage, car on n’a aucun choix. Les amoureux sentent qu’ils n’ont pas le choix.

    Une fois qu’on a reconnu ce qui est vrai, il faut agir. L’action génère énormément de confiance et d’énergie. On fait l’expérience de la libération dans son propre corps. Mais si on n’agit pas, on souffre de son manque de courage et du monde de compromis dans lequel on se condamne à vivre. C’est une torture. On n’a pas assez d’amour de la vérité pour accomplir l’action juste. Tout le monde veut s’éveiller mais personne ne veut changer. Personne ne veut payer le prix. Si cela ne demande aucun sacrifice, tout le monde veut l’illumination.

 

 

2. La peur

 

La raison pour laquelle beaucoup de chercheurs ont de telles difficultés avec la peur, c’est qu’ils ne veulent pas être libres. Quand on veut, plus que tout et sans aucun doute, être libre, la peur n’est plus un obstacle. Elle n’a plus le pouvoir de nous intimider. Beaucoup de chercheurs croient qu’ils se prosternent devant le dieu de l’amour, avec lequel ils auraient, au fond de leur cœur, une relation très profonde et très intime. Mais si la présence de la peur, de quelque manière que ce soit, est un obstacle à une relation spontanée et libre avec la vie, cela veut dire qu’en vérité ces chercheurs n’ont pas cette relation intime avec le dieu de l’amour. On ne peut servir qu’un seul dieu, pas deux à la fois. Et malgré ce que nous croyons de nous-mêmes, c’est au dieu de la peur que nous obéissons. Il faut y réfléchir très sérieusement.

- Je n’avais jamais envisagé la peur comme un dieu devant lequel je me prosternerais.

- Je crois que le dieu de la peur est le plus populaire auprès des êtres humains, celui qui a le plus d’adeptes. Tant que la présence de la peur nous empêche de nous comporter dans la vie d’une manière complètement spontanée et naturelle, sans inhibition, libre de la conscience restrictive du moi séparé des autres, cela veut dire que nous nous prosternons devant le dieu de la peur.

- Après l’éveil, est-ce qu’il y a toujours des peurs ?

Pourquoi pas ? Si on n’est pas soumis à la peur, il n’y a plus de test ? Prenons l’exemple de deux êtres humains qui font tous deux l’expérience de la joie, la paix et la béatitude. Ils n’ont aucune difficulté à se montrer équanimes. Ce n’est pas un grand accomplissement. Imaginons que, tout à coup, ils expérimentent une peur intense, qu’un des deux s’écroule et que l’autre reste stable. On voit alors qui a réellement accompli quelque chose et qui vivait seulement un état émotionnel supérieur. Etre libre n’a rien à voir avec le fait de ne pas expérimenter la peur, mais avec la stabilité dont on peut faire preuve en face d’émotions difficiles.

 

 

 

3-L’action

 

 

-Le thème de l’action juste me touche beaucoup. Souvent je sens bien ce que j’ai à faire mais je ne trouve pas toujours la motivation pour le faire…

-         Ce qui est horrible dans ce que vous dites, c’est que vous savez ce que vous devez faire et que vous n’avez pas envie de le faire. Cela démontre un degré choquant de manque de maturité. Vous faites dépendre vos responsabilités d’états émotionnels. Si vous le sentez, vous allez les assumer et si vous ne le sentez pas, vous n’allez pas les assumer. Une personne comme vous peut marcher dans la rue et assister à une agression et n’agir que si elle est dans l’humeur de le faire. Mais si elle n’a pas la bonne expérience émotionnelle à ce moment-là, elle passe son chemin et ne voit aucune obligation de répondre à la situation. Dans la vie, certaines choses sont simplement vraies, elles le sont tout le temps, partout, elles ne changent jamais. Et quand on les découvre et qu’on les reconnaît, il nous faut vivre de manière à exprimer et manifester qu’on a découvert ces vérités. Cela n’a rien à voir avec notre expérience émotionnelle.

    Il faut être concerné par l’action juste, la bonne chose à faire, quoi que ce soit, quoi que cela demande. Parfois l’action juste est très facile à accomplir, parfois elle est très difficile, extrêmement difficile. Ce qui est approprié n’est pas toujours associé à notre ressenti. Tout le monde parle de ressenti ce matin. La reconnaissance de ce qui est absolument vrai n’est pas un ressenti, c’est un fait objectif. Si on s’appuie trop sur ses expériences émotionnelles, si on y accorde trop d’attention, on perd la relation avec la vérité.

    La seule chose qui compte, c’est d’accomplir l’action juste à tous moments. L’apparence des choses, ce que vous ressentez, ce que vous pensez, ce qu’en pensent les autres, tout cela n’a pas d’importance. L’action juste signifie qu’il faut être prêt à être aveugle et faire l’action juste. C’est ainsi qu’on est libre du mental.

-         Il n’est pas toujours facile de savoir quelle est l’action juste.

-         Parfois même il faut agir avant de savoir. La vie ne nous offre pas toujours l’opportunité de savoir à l’avance. La libération, c’est aussi d’avoir une relation complètement spontanée à la vie. On est capable de répondre plus vite que notre conscience et on découvre après que c’était l’action appropriée. Cela demande du courage et la volonté de prendre des risques. Je parlais d’être « aveugle ». C’est une métaphore pour la soumission inconditionnelle. Quelquefois, nous aurons de la chance et nous aurons une connaissance très claire, à l’avance, de l’action juste. Mais, à beaucoup d’autres moments, nous ne saurons pas. Et il faut répondre quand même, avec efficacité.

-         Qu’est-ce qui crée l’hésitation dans ce genre de situation ?

-         La soumission au dieu de la peur.

-         J’ai souvent du mal à m’exprimer.

-         C’est pareil pour nous tous. Ne soyez pas paresseux.

-         Je ne trouve pas les mots.

-         C’est seulement parce que vous êtes paresseux. Quelquefois, c’est difficile de s’exprimer. Cela demande du courage. Mais si on ne veut prendre aucun risque, on dit : « C’est trop difficile, je ne trouve pas les mots ».

-         La vie me secoue en ce moment, elle me demande de réellement mettre en pratique ce que je prétends mettre en pratique depuis vingt ans. Jusqu’ici, il y eu un engagement sur la voie, un engagement raisonnable…

-         Attends, qu’est-ce que c’est que ça, un engagement raisonnable ? Raisonnable comparé à quoi ? Par rapport à un engagement déraisonnable ou un engagement extrêmement raisonnable.

-         Raisonnable veut dire insuffisant

-         Donc raisonnable veut dire déraisonnable.

-         La vie me demande d’approfondir.

-         Quelle chance tu as ! Quelle bénédiction pourrait être plus grande ? Si le confort relatif de ta vie  jusqu’à aujourd’hui t’as fait paraître raisonnable un engagement dont tu viens de reconnaître à l’instant qu’il ne l’était guère, il vaut mieux pour toi que ce confort cède la place à un véritable inconfort. Mieux vaut tard que jamais. Parce qu’il y a trois ans, tu m’as soumis la même situation, tu as posé la même question.

-         Maintenant les choses bougent.

-         Oui, mais ce qui est grave, c’est que tu avais fait la même prise de conscience il y a trois ans et que cela n’avait entraîné aucun changement. Toute prise de conscience, toute illumination, même partielle, n’est fructueuse que si on est prêt à répondre de plein cœur à ce qu’on a reconnu comme vrai. Alors seulement cela devient la libération. Trop souvent, les gens vivent des « expériences », parfois sublimes, et ils ne répondent pas. Cela reste des expériences émotionnelles temporaires qui ne nous remettent pas en cause. Le seul défi est dans la réponse, c’est elle seulement qui met à l’épreuve l’ego et toutes les croyances que nous entretenons à propos de nous-mêmes et de la réalité. Pose-toi la question : est-ce que je veux être libre plus que tout autre chose ? On ne trouve la confiance et le courage pour répondre de plein cœur à ce qu’on a reconnu comme vrai que si la réponse est oui.

-         Parfois la réponse est oui, parfois non.

-         Alors il faut tout faire pour arriver au point où la réponse est toujours oui. Sinon une libération authentique ne sera jamais possible. Le désir d’être libre ne peut pas seulement être une expérience émotionnelle, ça n’a rien à voir avec l’humeur dans laquelle on se lève le matin. Notre relation à la libération doit devenir une obligation, une obligation inconditionnelle qui est le résultat d’une reconnaissance profonde, dans notre cœur et dans notre esprit, de ce qui est vrai. Et seulement dans ce cas, nous pourrons vraiment vivre une vie qui exprime l’intégrité, avec une conscience éveillée par la vérité.

-         C’est absolu. C’est tout ou rien.

-         Qu’est-ce que cela pourrait être d’autre ? L’enjeu réel pourrait-il être moins grand ? Moins que cela ne pourrait pas être la réalité. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui nous est possible, comprendre ce qu’est notre potentiel et ensuite le réaliser. Pourquoi perdre du temps et de l’énergie à autre chose ?

 

 

 

4 -  Les relations, le couple, l’amour.

 

 

    En général, on peut définir la dynamique à l’œuvre dans un couple par la « chaleur » (« heat », on pourrait peut-être traduire par la fournaise). Dans la chaleur, il y a beaucoup d’excitation et de passion. On cherche le grand frisson. Mais quel que soit le degré d’excitation qu’on traverse, il est pratiquement inévitable que nous traversions ensuite la même quantité de souffrance et de chagrin. Mais on l’oublie quand on expérimente l’excitation. Le contraire de la chaleur, c’est une calme fraîcheur ( coolness). D’un côté, la chaleur avec l’excitation et, de l’autre, cette fraîcheur, qui s’accompagne de paix. Pour l’excitation, on va renoncer à la paix. Mais si on veut la paix, il faut renoncer à l’excitation. C’est l’un ou l’autre. Une personne ignorante est attachée à l’excitation, à la passion. Elle manque de la profondeur nécessaire pour apprécier la paix. La fraîcheur est possible quand les deux membres du couple s’y intéressent plus qu’à la chaleur, à la passion. C’est la seule manière d’expérimenter la liberté dans le cadre de la relation sexuelle. Sinon, il y a attachement, donc peur.

    Quand on découvre le dieu de l’amour, on ne se préoccupe plus de savoir si les autres nous aiment ou pas. N’est-ce pas une immense libération ?Vous savez comment les amants se parlent : « Est-ce que tu m’aimes ? ». Ils ont besoin de l’entendre. « Dis-le » - « Je t’aime ». C’est l’ultime gratification de l’ego. « Dis-le encore » - « Je t’aime, je t’aime, toi. » Je m’adresse à toutes les femmes de cette salle : pourriez-vous le supporter si votre mari ou votre compagnon ne vous disait jamais plus « je t’aime » ? Pourriez-vous le supporter ? (Plusieurs femmes répondent non). C’est très important de s’interroger là-desus. La part de nous qui aime la passion, qui se sent exister tellement intensément quand on lui dit « je t’aime », c’est l’ego. Dans la perspective spirituelle, l’ego, c’est l’orgueil, l’arrogance, le seul problème dans ce misérable monde humain, c’est le diable. Et c’est cette part de nous qui se sent tellement extatique quand on lui dit « je t’aime ».

    C’est un point très important. Tout le monde devrait y réfléchir très sérieusement. Est-ce que c’est vrai ? Est-ce vrai que mon désir d’être adoré est malsain ? Est-ce possible ? Il faut y réfléchir. Parce qu’on consacre tellement de temps à vouloir cette sorte d’adoration. Ce n’est pas une petite question. « Ca fait trois jours que tu ne m’as pas dit que tu m’aimais. Qu’est-ce qui se passe ? »

 

-         Est-ce qu’on a besoin d’entendre quelqu’un dire « je t’aime » parce qu’on n’a pas assez été aimé par ses parents quand on était enfant ?

 

-         Peut-être mais, du point de vue spirituel, il ne faut pas chercher à l’extérieur une confirmation ou une plénitude qui ne peuvent être trouvées qu’à l’intérieur. La libération spirituelle ne se trouve pas dans l’amour parental mais dans l’expérience profonde de notre nature véritable. Pourtant, tout le monde veut être adoré par quelqu’un qui nous dise « je t’aime, toi ». Pour les amoureux, ce qui compte c’est d’être, aux yeux de l’autre, la personne la plus importante au monde. Toute l’intensité de l’amour romantique est là. « Ne suis-je pas de tout l’univers la personne la plus importante pour toi ? » Si cette croyance est partagée par les deux amoureux, c’est l’extase pour l’ego. Quand on est en compagnie de deux amoureux, on se sent toujours exclu. C’est un amour exclusif, très personnel. L’amour impersonnel est très inclusif. Il inclut tout. C’est très différent. Dans l’amour impersonnel, il n’y a pas de désir, il n’y a que lâcher-prise, que la liberté. C’est quelque chose que vous devriez tous envisager : est-ce que ce que je dis est vrai ?

Il faut vouloir être libre plus que tout autre chose. Etre libre, c’est aussi être libre de son mari, de tous les autres hommes. Il faut avoir un seul amant dans la vie : la liberté. Et on ne laisse pas tomber cet amant, pour n’importe qui.

    Pour les amants ordinaires, cette inflation de la relation personnelle est ce qu’il y a de plus important. « Alors, comment ça va aujourd’hui ? Est-ce que nous sommes bien proches l’un de l’autre ? » Constamment. Dans l’idéal, il est possible d’être avec quelqu’un et d’oublier la relation. C’est presque comme si vous n’étiez pas en relation. Pourquoi ? Parce que vous n’êtes pas sans arrêt en train de survaloriser quelque chose chez l’autre ni lui chez vous. L’affection est là mais sans le drame. Parce qu’il y a un intérêt pour autre chose, beaucoup plus fort. Le véritable amant, c’est la libération. C’est une perspective qui n’est pas courante dans le monde. Ce désir tout-puissant de l’ego de chercher des gratifications dans les yeux de l’autre est irréversible. « Dis-moi que tu m’aimes ». Il faut que les deux personnes veuillent être libres. Sinon, cela ne marchera jamais.

 

    Encore autre chose, les femmes doivent découvrir l’amitié véritable avec les autres femmes, les hommes, l’amitié profonde avec les autres hommes. Cette profonde amitié est une expérience totale, émotionnelle, intellectuelle. Et finalement, si vous n’êtes pas homosexuel, la seule chose que des personnes du même sexe ne pourraient pas vous donner serait des relations sexuelles. On pourrait commencer à voir la sexualité en dehors de toute illusion romantique. La vie sexuelle perd alors de son importance.

    Beaucoup de femmes investissent l’expérience sexuelle d’un besoin d’affirmation personnelle. A un niveau très primitif, elles s’aperçoivent qu’elles sont très vulnérables, que physiquement les hommes sont plus forts. Elles expérimentent le pouvoir dans leur sexualité. Mais si on veut être libre, il faut dépasser ces déterminismes primitifs. Il faut un intérêt héroïque pour l’évolution, la transcendance, la libération. Plus un homme ou une femme s’identifie avec son genre sexuel, plus il va manifester des déformations, parfois ridicules. Les hommes trop identifiés à leur genre sexuel ont l’air plutôt stupide. C’est pareil pour les femmes. Notre conscience doit s’élever. Il n’y a pas à nier la réalité de notre genre sexuel. Des différences objectives existent. Pour la confiance en nous, elles ne sont pas déterminantes. Il faut découvrir cette partie de nous-même où il n’y a pas de différence. C’est cela, être libre de son identité sexuelle.

    C’est là qu’on peut se rencontrer. Et c’est aussi le moyen de trouver confiance en soi. Beaucoup de femmes pensent que, pour avoir confiance en elles, elles doivent être en relation. Cette idée est très forte chez beaucoup d’hommes mais encore plus chez les femmes. Je ne pense pas que la plénitude soit dans l’union du mâle et de la femelle. Cela maintient les êtres humains plus bas qu’ils pourraient être. Les hommes et les femmes doivent être égaux pour pouvoir se rencontrer mais ce n’est possible que s’ils ont vraiment confiance en eux. Mon point de vue est très radical.

    Mais que veut dire vouloir être libre plus que toute autre chose ? Qu’est-ce que c’est l’amour ? Quelle est la différence entre l’amour personnel et impersonnel ? Qu’est-ce que cela veut dire que d’être identifié à son genre sexuel et emprisonné dans cette identification ? Il faut activement regarder ces questions et avoir le courage de voir ce qui est vrai.

 

 

 

 

http://fr.youtube.com/watch?v=0B52pD5G03E



18/12/2008
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